Témoignages des Présidents du Parlement européen : David Sassoli
Chers amis,
Je suis très heureux d’avoir l’occasion d’exprimer mon point de vue et celui du Parlement européen sur la nécessité de renforcer la démocratie dans le monde et de parler du rôle de l’Alliance transatlantique.
Je serai très direct : les valeurs de paix, de démocratie et d’état de droit partagées par l’Union européenne et les États-Unis sont menacées dans le monde entier. Le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été mis à mal au cours de ces dernières décennies. L’autoritarisme, la xénophobie et le nationalisme ont trouvé de nombreux partisans qui n’ont pas hésité à utiliser la pandémie comme prétexte pour saper les fondements de nos systèmes démocratiques.
Ces valeurs qui nous sont chères ne sont pas indestructibles. C’est pourquoi nous devons travailler, main dans la main avec notre allié, avec tous nos alliés, et en particulier avec le Congrès américain, pour défendre nos valeurs. Nos deux institutions partagent la conviction que la démocratie représentative est la meilleure garantie dont nous puissions disposer pour sauvegarder et protéger les droits de l’homme, la dignité humaine et les libertés fondamentales. Nos deux institutions sont déterminées à contribuer à la promotion de ces valeurs dans le monde entier, y compris par les travaux des sous-commissions consacrées à cette question, qui restent une exception par rapport aux autres assemblées parlementaires.
Il ne fait aucun doute qu’agir par l’exemple est le meilleur moyen de renforcer ces valeurs, et nous ne devons pas reculer ou ralentir sur cette voie. Les événements récents aux États-Unis et dans certains États membres européens l’ont montré. La confiance dans nos institutions a été ébranlée par divers facteurs tels que la désinformation, les discours de haine, les plateformes numériques non réglementées, l’ingérence électorale. Mais cette situation tient également aux immenses défis auxquels nos sociétés sont confrontées, notamment la hausse des inégalités et le changement climatique.
La COVID-19, l’une des crises les plus graves depuis la Seconde Guerre mondiale, nous a confrontés à des difficultés inattendues, ajoutant de nouveaux éléments de complexité à une situation déjà fragile où de larges pans de la population étaient exclus de la vie démocratique. Comme nous le savons, la pandémie a eu des répercussions sur différents secteurs, non seulement sur nos systèmes de santé mais aussi sur notre modèle social, elle a touché de manière disproportionnée les personnes, les citoyens et les segments de la population les plus vulnérables sur le plan socio-économique.
Réunion générale des groupes de réflexion sur l’avenir du Parlement après la pandémie de COVID-19 avec David Sassoli, Président du Parlement européen. 3 Septembre, 2021 © Union européenne 2021 – Parlement européen
C’est surtout en temps de crise que nos démocraties doivent révéler leur fonction, leur utilité en tant que projets pensés pour le bien être de tous, capables de protéger les personnes, de promouvoir l’égalité, de favoriser le progrès et le bien être social. Répondre aux besoins de nos citoyens en matière de soins, de travail, de dignité, de sécurité et de prospérité pour leur avenir doit être au centre de notre attention.
La démocratie ne saurait être considérée comme acquise pour toujours, il s’agit d’un concept qui doit être nourri et réinventé au quotidien afin de répondre aux besoins des citoyens de manière appropriée. C’est un thème qui est très cher au Parlement européen, ce que nous avons démontré avec le lancement de la conférence sur l’avenir de l’Europe, qui vise à réfléchir aux leçons que nous avons tirées de cette crise afin de renforcer et de moderniser notre modèle de démocratie européenne. La conférence est un exercice démocratique sans précédent et nous sommes fermement convaincus que les résultats qu’elle produira seront concrets, tangibles et utiles pour tous les citoyens qui doivent figurer au cœur même de nos institutions et leur servir de point de référence.
Au cours de ces derniers mois, j’ai également engagé un processus de réflexion au Parlement visant à tirer les leçons de la crise actuelle pour notre institution. Pour maintenir la flamme de la démocratie, la pandémie nous a obligés à adopter de nouvelles méthodes de travail. Beaucoup de choses ont changé au Parlement européen, tout comme dans de nombreuses autres institutions. Mais aujourd’hui, nous devons réfléchir de manière plus générale au fonctionnement de notre Assemblée parlementaire, afin qu’elle incarne l’idéal démocratique et soit en phase avec l’époque que nous vivons.
Cette réflexion sur l’avenir et l’évolution de nos pratiques démocratiques est née d’un constat simple: le monde d’hier, celui que nous connaissions avant la pandémie, n’est plus adapté à notre époque. C’est pourquoi nous devons nous moderniser, nous renouveler, et même renouveler les règles, les pratiques qui régissent l’activité démocratique. Depuis le début de la pandémie, nous avons dit que nous ressortirons de cette crise différents parce que nous avons réalisé que notre modèle de développement est un modèle défaillant, qui ne fonctionne pas pour l’ensemble de nos sociétés et nous ne pouvons pas permettre une telle situation. Nous avons affirmé que personne ne doit être laissé pour compte et nous devons donc nous efforcer de faire en sorte que cela ne se reproduise pas.
Le multilatéralisme, oui le multilatéralisme, doit être notre boussole et nous sommes prêts à travailler avec vous et avec nos voisins pour imaginer et construire un monde nouveau, un monde dans lequel les droits de l’homme et les libertés fondamentales seront respectés, un monde meilleur, plus juste, plus équitable d’un point de vue social et environnemental. Des Balkans occidentaux à la Biélorussie, de l’Afrique à l’Amérique latine, lorsque nous agissons ensemble, nous sommes plus forts et nous pouvons défendre nos valeurs communes avec plus de poids.
Il y a quelques semaines, lors du G7, j’ai eu l’occasion de discuter avec la Présidente du Congrès américain, Nancy Pelosi, de l’urgence d’une plus grande coopération entre nos parlements sur des questions telles que le changement climatique, les migrations et l’asile ou la lutte contre les pandémies. Le prochain sommet de la démocratie sera donc une formidable opportunité pour nos assemblées de travailler en étroite collaboration.
David Sassoli, Président du Parlement européen, rencontre Mike Pompeo, Secrétaire d’État américain. 7 Septembre, 2019 © Union européenne 2019 – Parlement européen
Aucun pays ne peut relever seul les défis mondiaux, mais si nous travaillons ensemble, nous serons naturellement mieux à même de répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés et ce n’est qu’ensemble que nous pourrons les surmonter. Notre ordre international repose sur des règles qui nous guident mais qui ne sont pas intouchables, nous devons nous adapter, nous mettre en phase avec l’évolution du monde et il en va de même pour nos institutions. Nous ne devons pas avoir de tabous, nous ne devons pas avoir peur d’entreprendre de nouvelles actions, nous ne devons pas avoir peur d’être courageux car les défis d’aujourd’hui sont nombreux: de l’urgence climatique à la transformation verte et numérique, d’une politique de santé globale à une société plus résiliente du point de vue socio-économique, sans oublier les défis à nos frontières avec une Russie de plus en plus agressive, une Chine plus affirmée, ou encore le terrorisme et la prolifération nucléaire. Tout cela exige un engagement, un engagement à montrer que les démocraties sont les systèmes les mieux adaptés pour faire face à ces difficultés grâce à des solutions multilatérales.
Pour paraphraser Martin Luther King : une attaque contre la démocratie, où qu’elle se produise, est une attaque contre la démocratie partout ailleurs. La démocratie en Amérique est la démocratie en Europe, la démocratie en Ukraine est la démocratie en Biélorussie. Tous ensemble, nous ne pourrons résister aux attaques venant de l’extérieur et de l’intérieur que si nous nous défendons et nous protégeons mutuellement. Nous devons continuer à marcher ensemble.
Discours sur le dialogue transatlantique et son importance pour la défense de la démocratie – Le rôle des parlements. Bruxelles, le 29 juin 2021.
Session plénière, juillet 2019 – David Maria Sassoli est élu Président du Parlement européen © Union européenne 2019 – Parlement européen
« La démocratie est un processus en constant devenir. Nous ne devrions jamais considérer la démocratie comme acquise ou comme garantie pour toujours. Nous devons prendre soin de la démocratie et lui insuffler une nouvelle vie. Et, avant toute chose, la démocratie doit toujours aller de pair avec la justice. »